Apple contre l’Union européenne : quel avenir pour les progressive web apps (PWA) ?

Entré en vigueur le 6 mars 2024, le règlement européen DMA (Digital Markets Act) a imposé de nouvelles obligations et interdictions aux géants du numérique, dans l’objectif de limiter leur domination sur le marché et de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. 

En réaction à cette loi, Apple avait pris en début d’année la décision controversée de mettre fin aux progressive web apps (PWA) sur iPhone en Europe, avant de faire machine arrière. 

En vue du bras de fer qui s’annonce entre la firme à la pomme et l’Union européenne, l’avenir des PWA est-il menacé ?

Quand Apple mettait fin aux progressive web apps (ou presque)

C’était en février 2024. Alors qu’ils testaient la version bêta du système d’exploitation iOS 17.4, des utilisateurs ont eu la (mauvaise) surprise de constater la disparition des progressive web apps. Plus précisément, les PWA avaient été transformés en de simples raccourcis vers des pages web.

Une décision inattendue qui a provoqué une véritable levée de boucliers, notamment de la part des développeurs. Dans la foulée, une lettre ouverte a même été adressée à Tim Cook, PDG d’Apple, pour dénoncer sa volonté de “saboter les applications web”.

Face à ce tollé, la firme à la pomme n’a eu d’autre choix que de revenir sur sa décision, annonçant le maintien des progressive web apps sous iOS 17.4. Mais comment expliquer ces rebondissements ? Pour le comprendre, il faut revenir sur le fonctionnement des PWA et sur l’impact du règlement européen DMA.

PWA et DMA ne font pas bon ménage ?

Commençons par une brève définition : une progressive web app (PWA) est une sorte de site web amélioré, qui peut s’exécuter et s’installer sur un smartphone sans passer par un magasin d’applications (par exemple, l’App Store d’Apple). Elle est chargée à l’avance sur le téléphone : elle n’a donc pas besoin d’être connectée à internet pour effectuer des fonctionnalités de base.

“C’est un peu comme un site maquillé en application, ironise Jean-Baptiste Troissant, chef de projet chez A5sys. En effet, pour faire fonctionner une progressive web app, il faut un navigateur. Quand on ouvre une PWA, on ouvre en réalité une page sur Safari ou sur Google Chrome. L’utilisateur a l’illusion d’être sur une application, mais c’est bien le moteur du navigateur qui est utilisé.”

L’impact du DMA sur les progressive web apps

C’est là qu’entre en scène le Digital Markets Act, qui impose de toutes nouvelles obligations aux grandes entreprises du numérique. Pour Apple, l’impact de cette loi européenne est particulièrement fort.

Par exemple, en vertu du DMA, un utilisateur d’iPhone n’est plus obligé de télécharger ses applications sur l’App Store. L’enjeu financier est immense, quand on sait que 30 % des revenus générés sur ce magasin sont récupérés par Apple.

En outre, le DMA contraint Apple à proposer par défaut sur ses appareils le navigateur choisi par l’utilisateur (et donc plus forcément Safari). Justement, l’entreprise californienne s’est appuyée sur ce point de la réglementation pour justifier sa décision de supprimer les PWA.

L’argument est le suivant : “Nous ne pouvons plus imposer Safari (et son moteur de rendu Webkit) comme navigateur par défaut. Or, nous ne pouvons pas contrôler la sécurité des autres navigateurs. Les PWA représentent donc une menace.” 

Une affirmation exagérée ? “Les PWA fonctionnent très bien sur d’autres navigateurs que Safari et des contrôles de sécurité existent”, nuance Jean-Baptiste Troissant. 

La sécurité : un argument de façade ?

Malgré tout, l’ouverture de l’écosystème d’Apple sous la contrainte du DMA ne fera-t-elle pas émerger de nouveaux risques, qu’il s’agisse de logiciels malveillants ou de tentatives de fraude ?

“Ce que veut Apple, c’est un environnement sûr et fermé, car cela lui garantit des revenus importants. Ce que veut la Commission européenne, c’est un environnement sûr et ouvert. Mais concilier ouverture et sécurité est plus compliqué qu’il n’y paraît”, résume Jean-Baptiste Troissant.

Néanmoins, les enjeux dépassent largement le cadre de la cybersécurité : c’est un bras de fer politique et financier qui s’annonce entre la Commission européenne et les GAFAM.

D’ailleurs, la marque à la pomme n’hésite pas à user de son pouvoir d’influence pour tenter de faire abdiquer l’Union européenne – ou, a minima, pour trouver un compromis plus avantageux.

Dernier exemple en date : en juin 2024, l’entreprise révélait Apple Intelligence, un ensemble de fonctionnalités d’intelligence artificielle qui sera intégré dans iOS 18… Oui, mais pas en Europe. 

Invoquant les incertitudes réglementaires liées au Digital Markets Act, Apple cherche ici à faire pression sur l’UE en privant les utilisateurs européens d’une nouveauté très attendue. Et ce n’est que le début d’une “guerre” qui pourrait encore durer plusieurs années.

Les PWA : des applications très appréciées…

Si la suppression annoncée des progressive web apps sur les appareils Apple a suscité une telle protestation, c’est parce que les PWA sont particulièrement appréciés par les développeurs comme par les entreprises.

“Une PWA est codée comme un site web, ce qui signifie qu’elle fonctionne sur toutes les plateformes, explique Jean-Baptiste Troissant. Il suffit d’un seul développement, plutôt que de créer une app iOS et une app Android, par exemple.”

L’avantage financier est donc évident : une PWA permet de réduire considérablement les coûts de développement et de maintenance. Mais elle présente aussi des atouts sur le plan technique : 

“Une progressive web app permet d’accéder à certaines ressources d’un téléphone (comme l’appareil photo ou le Bluetooth) qui ne peuvent pas être exploitées par un site web classique. 

De plus, elle a une base de données qui lui est propre. Cela signifie que les données stockées dans une PWA peuvent être synchronisées avec un serveur distant, mais qu’elles tournent aussi en local sur le smartphone. L’utilisateur n’est donc pas obligé de se connecter à internet pour utiliser la PWA (même si une connexion peut être nécessaire pour accéder à certains services).”

…qui se heurtent à certaines limites

Malgré leurs avantages, les progressive web apps possèdent des limites dont il faut être conscient. 

D’abord, une PWA n’est pas exécutée directement par la machine, mais par le moteur de rendu d’un navigateur. Cela se traduit nécessairement par des performances dégradées, par rapport à une application développée dans le langage natif de l’appareil (par exemple, Swift sur iOS).

Pour Jean-Baptiste Troissant, “les PWA sont pratiques pour des applications simples, peu gourmandes en ressources. En revanche, elles sont peu adaptées pour des traitements lourds : jeu vidéo, retouche d’image, 3D…”

Par ailleurs, une progressive web app a accès à moins de fonctionnalités du téléphone qu’une application native. Sur iOS, c’est notamment le cas de la localisation, de Face ID, de la synchronisation en arrière-plan, du paiement avancé ou encore de la connexion avec certaines applications tierces.

Enfin, les PWA n’étant pas présentes sur l’App Store, elles souffrent forcément d’un manque de visibilité par rapport aux applications natives.

Quelle alternative aux progressive web apps ?

La suppression des PWA dans la mise à jour iOS 17.4, suivie du rétropédalage d’Apple, a mis en lumière l’immense influence de la firme sur ce marché.

Pour les entreprises qui possèdent une progressive web app, c’est un climat d’incertitude qui se dessine. Pourraient-elles se retrouver, du jour au lendemain, avec une application mobile ou web qui ne fonctionne plus, suite à une décision d’Apple ou de Google ? Dans ce contexte, faut-il conserver sa PWA ou chercher une alternative ?

Parmi les options disponibles, la plus évidente consiste à se tourner vers une application native… Au risque de multiplier les coûts de développement et de maintenance pour être présent sur iOS et sur Android.

Il existe heureusement une solution émergente : la conception d’une application sur mesure avec du code unifié

“C’est une app avec un code unique (à la manière d’une PWA) que l’on va ensuite transformer en une version iOS et une version Android, explique Jean-Baptiste Troissant. Cela permet de créer de vraies applications en langage natif, distribuables sur les stores, tout en faisant d’importantes économies sur le développement.”

Un entre-deux idéal, qui combine les avantages des PWA et des applications natives, tout en protégeant l’entreprise contre les potentielles décisions d’Apple ou de Google vis-à-vis des progressive web apps.

Alors que le bras de fer entre l’UE et les GAFAM ne fait que commencer, l’avenir des PWA est placé sous le signe de l’incertitude. De plus en plus d’entreprises vont donc naturellement se tourner vers des alternatives plus pérennes. 

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Jean-Baptiste Troissant
Chef de projets chez A5sys
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